Portrait

Pierre Morere, sur les traces de son histoire familiale au Vietnam

Producteur de café

Pierre a grandi à Antibes, sa ville. Après des années d’hésitation professionnelle, il décide de partir sur les traces de son père et avant lui, son grand-père. Ce sera le Vietnam, mais aussi le café, liant, les populations exotiques locales et l’activité de plantations, dans une aventure postcoloniale, sans précèdent. Là, la vie va jouer un joli tour à cet ancien circassien en lui offrant la chance de relancer la production familiale…
En 10 ans, Pierre a fait de cet arôme oublié un arabica d’exception, l’un des plus grands crus au monde.

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C’est ainsi. Certaines personnes sont au monde pour vivre des histoires exceptionnelles. C’est le cas de Pierre Morère qui a su puiser au fond de lui-même pour donner un sens à sa vie. Né en 1963, Pierre a grandi à Antibes entre un père agent immobilier et une mère infirmière, tous deux issus de grandes familles françaises prises dans l’aventure coloniale.

Après des études laborieuses au Mont Saint-Jean puis au lycée Audiberti, il décide de quitter la ville de son enfance et de son coeur, Antibes. “J’étais, par ailleurs, le cadet et j’avais beaucoup de mal à exister derrière un frère très doué militairement” confie Pierre.
Dès lors, sa vie devient une succession étonnante de bouleversements professionnels. Après une double année préparatoire en kinésithérapie, Pierre entre à l’École Nationale des Arts du Cirque et devient trapéziste, puis clown sur échelle. Dans les années 90 il abandonne sa vie de saltimbanque pour devenir coach sportif. “Là, un de mes clients est un ancien du Vietnam qui me donne l’équivalent de 3000 euros en francs pour me lancer dans les affaires. J’ouvre un cabinet immobilier à Paris et je rembourse ma dette…”.
C’est cette même période - hasard des rencontres ? - que Pierre choisit pour retourner aux sources de l’histoire familiale au centre Vietnam.

L'enfer puis la renaissance
Les retrouvailles sont puissantes puisqu’en 2007, il décide de s’installer en Asie avec sa femme et ses deux enfants. “J’avais suivi une formation d’apiculture au jardin du Luxembourg. Au Vietnam, un groupe ethnique des environs de Dalat, les Mnong Chil, me recueillent dans une région interdite aux touristes. J’installe mes ruches et me lance dans la création d’un projet de Parc National. Antagonisme de l’Histoire, mes grands-parents avaient voulu s’approprier ces terres, moi j’ai envie de les ouvrir au monde…”
C’est alors que survient la crise financière de 2008 et Pierre perd tout ce qu’il avait investi, mais aussi sa femme qui décide de rentrer en France avec ses enfants... “L’enfer” résume Pierre.
Les montagnards avec lesquels il vit près de Dalat, ont connu sa famille à l’époque de la période française et sont encore vivants. Ces mêmes, montagnards lui parlent alors d’un café que son grand-père cultivait et dont ils ont conservé les plants, en souvenir et en pleine forêt.…
“C’est le célèbre café Bourbon Pointu originaire de l’île de la Réunion et transplanté en 1897 sur les terres du Vietnam par l’explorateur, le Dr Alexandre Yersin qui, à l’époque, l’a planté avec mon grand-père...
C’est un café d’exception, de niche dit-on en termes plus commercial. Un arabica d’altitude et de terroir avec un arôme subtil et un caractère puissant dont on tire, lors des meilleures récoltes, un arabica Tipica aux saveurs de sous-bois et de pierres froides. Il a la force de rester en bouche pendant des heures après dégustation ce qui fait de lui un café de grand caractère et de convivialité car il vous laisse l’arôme d’une rencontre, celle de la personne avec laquelle vous l’avez partagé…”

L'aventure ne fait que commencer
Intarissable sur les qualités de son café, Pierre a retroussé ses manches et relance, avec les villageois, l’exploitation de 2 hectares de la manière la plus traditionnelle. “Ce qui est exceptionnel, c’est que nous parvenons à maîtriser les 5 paramètres qui font de cet arabica un café de finesse absolue - c’est-à-dire, l’amertume, l’acidité, les huiles, le sel et les sucres - quand une torréfaction habituelle ne permet de doser que 3 éléments”.
Depuis les portes s’ouvrent… Son café se déguste à l’ambassade mais aussi au Consulat de France du Vietnam et surtout dans les plus grands hôtels et escales du monde. L’aventure ne fait que commencer pour Pierre. Diplôme d’ethnologue en poche, il nourrit déjà un nouveau rêve: partager son temps entre le Vietnam et Antibes. “C’est là, dans la ville de mon enfance, que j’ai le projet d’ouvrir un comptoir des épices du bout du monde, selon un axe Est-Ouest, un axe réciproque et équitable et peut-être les prémices d’un jumelage d’Antibes avec Dalat ?”

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